un an plus tard...
Il y a un an j'étais en Inde, émerveillée, bouleversée, chamboulée par cette planète si lointaine et si différente de la mienne. Alors j'ai resorti mon carnet de voyage et me suis replongée dans les pages grifonnées, chiffonnées, ai revu les vaches sacrées aux colliers de fleurs, les singes sur les toits de la mégapole Delhi, les danseuses taillées dans la pierre, les femmes en saris multicolores, les volutes d'encens, les temples partout, les rickshaws surchargés, lord Ganesh omniprésent, les palais poussiéreux, les forêts opaques, les plats qui enflamment la bouche, et puis ce lever de soleil d'un rose très pâle sur le Taj Mahal, et puis ces gamines rieuses venues voir mon dessin sur les ghats sacrés de Pushkar, ces éléphants nonchalants traversant la route, les litres de thé chay illuminés de filaments de safran, la nuit dans le palais du Maharadja de Mandawa, la tombe de Gandhi, les explications culinaires d'Hemantkumar dans le petit restaurant de Raghunathpura, la rencontre fabuleuse avec les soeurs Mohanlal vendeuses de toutes les épices du monde à Jodhpur, le temple des rats sacrés à Deshlok, les cobras qui sortent de leur tanière quand le soir tombe, il y avait tout dans mon carnet, et les croquis ont fait leur tour de passe passe habituel et m'ont ramenée exactement à l'instant de chacun, et j'ai vu, senti, entendu ce que je voyais, sentais, entendais pendant mes dessins. N'y aurait-il pas un peu de sorcellerie dans les carnets de voyage ? Et puis il y avait aussi quelques recettes glanées ça et là, alors je me suis mise en cuisine pour préparer un poulet tandoori, un dahl, un curry de pois chiches et une quinzaine de naans pour nourrir ma tribu d'ici. Les épices embaumaient la maison, c'était la fête d'un coup, la machine à remonter avait fait son office.