Les hortensias de Marie
Elle s'appelait Marie et elle vivait là, dans cette maison ou elle avait grandit, la maison construite par son arrière grand-père. Je pensais à elle et à cet amour qu'elle avait pour ce jardin, à ces années passées là, seule dans cette bien trop grande maison, cette maison qui est mienne depuis 17 ans. Je pensais à elle en décidant de nettoyer cet énorme massif d'hortensias qu'elle avait certainement planté et je me demandais quel âge il pouvait bien avoir. Marie était morte huit ans avant notre installation, et le jardin était depuis lors redevenu une jungle touffue envahie par les ronces. Mon extravagant massif devait donc bien avoir trente ans, et je commençais à le tailler et à le dégager doucement, le ramenant à la lumière du soleil de mai. Il y avait en fait trois pieds, plantés en triangle, trois pieds qui me donnaient trois tons de bleu différents. Et au pied de l'un des pieds, planté là dans la terre brune, j'ai dégagé un tuteur, une barre de métal portant encore, à son extrémité, la date de la plantation. La plantation de mes beaux hortensias bleus, le jour exact de ma naissance. Je me suis assise dans l'herbe, la tige de métal dans les mains, fixant cette date avec incrédulité et infiniment de bonheur. Comme un cadeau que me faisait cette vieille dame, cette Marie au prénom si doux, comme un pont au-dessus des décennies, un sourire bienveillant entre elle, qui aimait tant son jardin, et moi, à sa suite.