Partir, revenir
Partir loin, regarder derrière le hublot la courbe du monde, et les montagnes, et les vallées, penser à tous ceux qui vivent là, onze mille mètres plus bas, et qui lèvent peut-être le regard vers ce point dans le ciel, cet avion qui étire dans le ciel sa traînée blanche. Partir, découvrir la poussière et les pierres, le rythme lent des vaches sacrées, le balancement lourd des éléphants, la terre des cobras et des léopards au pas feutré, sonner le carillon des temples qui dit aux trente millions de divinités "je suis là". Et rire, et pleurer, glisser ma main dans l'eau du fleuve sacré et sur les marbres des palais désertés. M'arrêter là, devant ces deux tombes, marbre noir, marbre blanc. Noir pour Gandhi, si sobre dans son écrin de verdure, blanc pour Arjumand Bânu Begam dont la beauté inouïe rendit fou le plus grand empereur Moghol qui construisit pour elle le Taj Mahal. Partir si loin, me laisser bousculer par ces rêves autres, ces logiques impénétrables, tout jeter dans mon carnet, parfums, couleurs, folies de pierre. Et puis revenir, exactement à mon point de départ, si semblable. Et pourtant désormais si différent.