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vivre en Bretagne
10 novembre 2022

Deux petites filles

C'est l'histoire de deux petites filles, deux fillettes blondes, mortes depuis longtemps et qui  jamais de leur vivant ne se sont rencontrées. De la première on ne sait rien, d'ailleurs elle n'est sur le tableau que pour mettre en valeur son père, le puissant et austère bourgmestre de Delft. Pas un prénom, rien, l'histoire n'a rien gardé d'elle si ce n'est ce visage déjà mélancolique, cette pose sage et patiente, un peu lasse. D'une main elle tient son éventail, et de l'autre le pan de sa robe, comme l'enseignent les guides de bonne manière de son époque, et j'imagine la servante qui, derrière le peintre, surveille le modèle.  Son père, lui, assis à côté d'elle, exprime par tout son corps l'histoire d'un homme "qui a réussit", mais elle n'exprime rien, elle attend.

De la seconde fillette on sait au contraire beaucoup, qu'elle avait cinq ans, qu'elle s'appelait Marguerite et était  fille du roi d'Espagne Philippe IV. Elle aussi attend. Elle aussi est sage, patiente, un peu lasse, et pose sur le peintre qui l'observe un regard un peu triste. Elle ne sait pas encore que la vie ne sera pas tendre pour elle, mais elle .  Marguerite, l'année suivante, perdra son père et deviendra, à 6 ans,  impératrice d'Autriche en épousant son oncle de 30 ans plus âgé qu'elle. Elle mourra en couche à l'âge de 21 ans.

J'ai toujours été touchée par ces deux portraits, par ces regards mélancoliques, par ces silhouettes sages tenues bien serrées par le corset et, plus encore, par l'éducation. Ce n'est qu'en retrouvant ces regards au hasard d'une promenade dans un livre d'histoire de l'art que j'ai été frappée par un détail : l'année de réalisation de ces portraits, la même année, 1655. Et de penser à ces deux enfants qui, en même temps mais à presque 2000 kilomètres de distance, prenaient la pose pour montrer la puissance de leur père devant le peintre. Ces deux enfants qui partageaient un même regard désabusé et qui, malgré leur jeune âge, n'attendaient déjà plus rien. 

La petite Marguerite, dix années plus tard, allait perdre ce père aimant qui surnommait sa fille "ma joie", et devoir épouser son oncle, l'empereur d'Autriche, âgé de 30 ans de plus qu'elle. Elle allait mourir  à 21 ans des suites de sa quatrième grossesse. Quant à la fillette du bourgmestre de Delft, dont on ne sait rien, quel a été son chemin ? A-t-elle été heureuse ? A-t-elle obtenu ce qu'elle espérait de la vie à cette époque si cruelle pour les filles ?

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Jan_Havickszoon_Steen_-_The_Burgher_of_Delft_and_his_Daughter_1655_-_(MeisterDrucke-51165)

 

 

"Le bourgeois de Delft et sa fille"

Jan Steen, 1655

 

 

th

 

"Les Ménines"

Diego Velazques, 1655

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Commentaires
H
Qui a réussi.....
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D
Merci Charlotte, ces deux portraits sont très émouvants et tristes
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A
l'aquarelle apporte beaucoup de douceur à ces deux portraits et nous laisse mélancolique ....<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne sais pas comment envoyer mon aquarelle pour le défit ... ? Merci de me l'expliquer ! ;-)
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É
La cruauté à l’égard des filles, des femmes, n’est pas une question d’époque.
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