Je ne suis allée chez elle que pour lui remettre son manuscrit, l'histoire de sa vie que sa fille m'avait demandé d'écrire. En remontant la longue allée qui menait à la maison je me demandais si un jour un homme me demanderait de mettre sa vie par écrit. Je n'ai jusque là été abordée que par des femmes, des mères, des filles, des soeurs, gardiennes de mémoire attentives et m'en suis ouverte à cette femme qui désormais ne quittait plus guère son fauteuil et la compagnie de son chat, mais qui avait trimballé sa vie de l'Afrique du Sud au Pérou et de l'Argentine à l'Ukraine. Elle m'a parlé des femmes, de toutes ces femmes croisées, de leur incroyable capacité à construire, à re-construire après les drames, de leur entêtement fécond à se mettre du côté de la vie. Elle m'a parlé des amitiés féminines, de ces solidarités aveugles et de ces trahisons aussi. Le pire et le meilleur.