le tour du saltimbanque
J'étais penchée au-dessus de l'Odet, les deux coudes posés sur la rambarde et le menton dans les mains. Quimper terminait sa fête sur une note sucrée de barbe à papa. Je regardais l'Odet, disséquais chaque petit mouvement de l'eau pour imaginer l'aquarelle que je pourrais faire de cet instant-là. Et il est arrivé, comme une flèche presque verte lancée au-dessus de l'eau. Un cormoran, qui remontait la rivière comme si de rien n'était, comme si se trouvait là son terrain de jeu habituel. Arrivé devant la cathédrale, en plein coeur de la vieille ville, devant des dizaines de badauds stupéfaits, il s'est posé, a dressé vers le ciel son long cou armé d'un bec effilé comme un poignard, puis a plongé. L'eau s'est mise à frétiller, le banc de petits mulets, affolé, faisait frissonner l'eau tandis que l'oiseau réapparaissait, avalant un poisson, pour replonger, encore et encore, jamais bredouille. Je me suis mise à rire tellement la coïncidence paraissait énorme : un cormoran remontant la rivière jusqu'en plein centre ville, le dernier jour du festival, à l'heure où les rues sont pleines ? Allons, j'en suis sure, cet oiseau-là était rémunéré par l'office de tourisme...