Comme un mercredi
J'avais vraiment bien travaillé. Mes commandes étaient prêtes, ma comptabilité à jour et il restait la moitié de l'après-midi pour profiter des enfants. Avec Marie nous sommes parties faire une descente à la bibliothèque. Il y avait une animation sur Matisse, du bleu et des petits papiers découpés qui volaient partout. Nous avons fait une razzia, de quoi tenir une bonne semaine, et avons retraversé la rue les bras pleins de trésors. Dans la maison le poêle, le thé, et cette heure fainéante ou l'on s'accorde une pause, rien qu'un moment. J'ai ouvert une de mes trouvailles, ce livre dont Dagmar m'avait dit tant de bien et qui parlait de femmes, d'un univers de femmes, chaleureux et solidaire. L'heure a glissé doucement au fil des pages tournées, des buches jetées au feu dans un crépitement rouge. Une autre heure encore sans que je puisse me détacher de cet univers dans lequel j'avais sauté à pieds joints. Marie, à côté de moi, riait toute seule en lisant son roman. Pas envie de dîner, ni de cuisiner, mais les garçons affamés commençaient à rôder et à poser l'incontournable question "qu'est-ce qu'on mange ?". Manger, alors que je n'en étais qu'à la page 195 ? Tartines, beurre et confiture d'abricot, brioche, bols de chocolat, en somme un dîner/petit déjeuner mais avec le droit de lire à table, chacun dans sa bulle. Oui, je sais, je suis une mère indigne...