la petite barque
Et puis parfois le ton monte et dérape. Deux garçons qui se font face, plus du tout des enfants mais pas encore tout à fait des hommes, deux garçons qui se font face et s'affrontent, du regard, de la voix, qui se jaugent, se provoquent, se menacent, cherchent la faille et s'y engouffrent. Et moi, obligée d'un coup de devenir capitaine du navire, à leur imposer le dialogue dont ils ne veulent pas, à leur faire dire avec leurs mots plutôt qu'avec leurs poings. Je me sens alors comme la petite barque d'Hokusaï en pleine tempête, si petite, si fragile, mais obligée de me montrer plus forte qu'eux, de leur imposer ma volonté sans hausser la voix. Car si je perds pieds c'est tout l'équipage qui risque le naufrage. Aucune épaule forte sur laquelle m'appuyer. Je suis chef de tribu.